La seconde enquête a lieu dans une maison de pension du village, afin d'accommoder les nombreux intervenants. On compte 60 spectateurs, deux inspecteurs de la poste, un sténographe officiel et dix-huit témoins (treize pour la défense et cinq pour le plaignant). Les règles du jeu sont très justes; chaque partie a le droit de contre-interroger les témoins de l'autre.

L'enquête prend l'allure d'un combat de coqs. Les deux principaux adversaires, Wilfrid-C. Boucher et Urbain Comtois (qui aspire à le remplacer) interviennent auprès des témoins à plusieurs reprises. Les uns (partisans de Comtois) disent que Boucher prend une part trop active dans le bureau de poste, au grand détriment des usagers. Les autres (prenant la défense de Boucher) répliquent que Comtois n'a que de la haine pour Boucher. Selon les inspecteurs, Comtois ne cache pas son envie de se faire nommer maître de poste à la place de Boucher. Les machinations de Comtois portent fruit et vers 1890 il succède à Mme Boucher.

Faisons le bilan de cette crise. Première constatation, il s'agit d'une véritable tragédie à la fois conjugale, politique et interpersonnelle, comportant sa part habituelle de bons et de méchants, de victimes, etc. Bref, on se croirait au théâtre. Mais attention ! il s'agit d'un théâtre de participation. Sur la petite scène de Pierreville il n'est pas facile de distinguer entre acteurs et spectateurs : tout le monde y participe, tout le monde en parle. Le bureau de poste de Pierreville était à ce point imbriqué dans un réseau de relations sociales et quotidiennes qu'on ne pouvait songer à le déplacer sans faire de vagues. Et des vagues à Pierreville en 1888, il y en eut.

Source : Cap-aux-Diamants, Hiver 1994, page 51

 

L'ÉDUCATION « SENTIMENTALE » DE JADIS
par  Jacques Bélanger

Jetons un coup d'oeil rétrospectif sur certains aspects de la vie sentimentale des adolescents québécois du milieu des années 40. Les Passions de l'adolescence, manuel publié en collaboration par des membres du clergé aux Éditions Fides (Montréal, 1946), nous aide à mieux comprendre ce qu'était la vie intime des jeunes gens à l'aube de l'après-guerre.

On y apprend, notamment, l'importance primordiale accordée à la notion de pureté. On tente de définir celle-ci. Il semble que la tâche ait été des plus ardues car l'auteur a préféré parler... d'impureté : «...voyons tout d'abord ce qu'est la pureté ou, ce qui est plus facile, l'impureté ». Pour ce faire, il faut retourner au péché originel, la toute première impureté. Ceci fait, on devra ouvrir grand les yeux et faire preuve de vigilance ! La meilleure façon de procéder consiste à définir les « excitations physiques ». On y apprend, entre autres, que le sens du goût est un des meilleurs alliés du diable: « Certaines drogues, les épices, les alcools et surtout la « bonne chère » font passer des substances excitatrices dans notre circulation et peuvent favoriser l'impureté ».

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