CAPSULES HISTORIQUES

SCÈNE DE VIE CONJUGALE : CRISE AU BUREAU DE POSTE DE PIERREVILLE, P.Q.
par John Willis

Dans les campagnes d'autrefois, le village constitue un pôle important de l'interaction socio-économique. Tout comme l'église et le magasin général, le bureau de poste soutient à sa façon la fonction de centralité du village. L'histoire suivante se passe à Saint-Thomas-de-Pierreville, au cours des années 1880. La crise qui s'y déroule, impliquant le maître de poste, son épouse et la communauté villageoise, illustre d'une manière toute spéciale comment le bureau de poste est au coeur de la vie sociale en milieu rural.

Depuis 1879, le bureau de poste de Saint-Thomas est tenu par le notaire Wilfrid-C. Boucher, assisté de son épouse, Sophie Gill. Il est pratique courante à cette époque de combiner la position de maître de poste avec un autre métier. Bien entendu Wilfrid doit compter sur l'aide de sa femme car il ne peut exercer les deux fonctions en même temps. Tout semble bien aller durant les premières années, mais par après...

Boucher a l'habitude de boire, « de prendre un coup » ; à tel point qu'au printemps de 1886, il est démis de ses fonctions de maître de poste. On nomme son épouse Sophie à sa place. Vers la fin de l'été, il recommence à boire et elle s'enfuit: « sur quelques paroles menaçantes que mon mari, en boisson, m'adressa (sic), j'ai cru prudent de déplacer le bureau de poste et le mettre dans une maison du village où mon mari n'avait pas affaire ». Au dire d'un témoin, elle sort de chez elle, « bien raide en criant ».

Deux mois plus tard, Mme Boucher retourne chez elle. Le mari, « parti de la province » revient aussi à la maison, et les assauts reprennent. À quelques reprises, Mme trouve refuge chez divers notables du village. Chaque fois, elle revient à la maison et chaque fois les coups recommencent.

Été 1888: Boucher est de nouveau « en boisson ». À Pierreville, on exige du gouvernement une enquête publique et le renvoi de la maîtresse de poste. Une première enquête fait peu de reproches à Sophie. L'enquête terminée, la contestation reprend. Dans une lettre au ministre des Postes, le député du Parti conservateur s'en prend vertement à W.-C. Boucher: « Au défaut d'être ivrogne, il ajoute le vice d'être un libéral castor des plus enragés ». La solution du député est simple: « Boucher vit avec son salaire de Bureau de Poste. S'il le perdait, il serait obligé de changer de place et nous en serions débarrassés (sic)». Politique oblige, il faut une autre enquête. La date est fixée au 13 décembre 1888.

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