Laisse-moi te raconter... Cher Christian Bobin, Je t’apporte des nouvelles du Québec. Tu n’ignores sûrement pas qu’ici on te lit beaucoup. On te suit, on te précède, on t’accompagne, on te " partage " .Justement, c’est à propos de partage que je t’écris. Je sais qu’il importe pour toi de te savoir lu. N’as-tu pas écrit dans " La Part manquante ": " Ce n’est pas pour devenir écrivain qu’on écrit, c’est pour rejoindre en silence cet amour qui manque à tout amour ". À l’évidence, il importe d’être aimé. Sache que tu l’as été, le 30 avril 1998. Au Québec, en Mauricie, à Louiseville — Laisse-moi te raconter. Un jour, il y a eu Ghislaine. Et puis, un jour, plus. Tu as écrit " La plus que vive " pour nous présenter celle qui aimait "ce qui brûle, danse, chante, espère, surprend, réjouit".Nous avons lu ton chant d’amour. Nous, c’est Gilberte, Réjeanne, Lise, Louise, Marie-Paule et Daniel. Nous avons convenu de nous réunir, à ton insu, pour partager les fruits de notre lecture. Nous avons parlé de ta vision de la mort, de la solitude, de la jalousie, du mariage. Nous n’étions pas toujours d’accord avec toi, ni entre nous d’ailleurs. Mais la joie, elle, les sourires et même les rires, la vie, quoi, nourrissait nos échanges sur l’accessoire, l’important, l’essentiel : la musique, l’enfance, la liberté, l’amour. Ça jacassait rare ! Nous aurions aimé que tu sois là, dans la LUMIÈRE de ce 30 avril ensoleillé. Nous aurions apprécié ta présence. Tu aurais pu nous éclairer, nous corriger, nous orienter, nous approuver, nous contredire, nous alimenter... Cher Christian, il m’a fait plaisir de te raconter notre atelier de lecture. À ton tour maintenant et pour longtemps de nous dire à chacune, à chacun : " Laisse-moi te raconter..." Ta compagnie nous est tellement agréable lorsque, " les soirs d’été, un pull jeté sur les épaules ", nous ouvrons un de tes livres pour goûter " la douceur donnée aux mots de la vie courante ".Amitiés,
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