À Montmagny, la maison Taché

 

Rue Sainte-Marie, à Montmagny, face à la Grosse Île, où, au 19e siècle, sont morts du typhus des milliers d’immigrants irlandais, nous attend sir Étienne-Paschal Taché, fils du premier seigneur de Kamouraska et futur premier ministre du Canada-Uni.

 

C’est dans cette maison de bois, au toit de tôle percé de cheminées « en chicane » et surmontée de deux tours latérales, qu’en janvier 1839 l’armée s’amène pour l’arrêter. On lui reproche d’avoir caché dans son manoir un ami patriote compromis avec les partisans de Louis-Joseph Papineau pendant la Rébellion de 1837-1838. À défaut de lui mettre la main au collet, les « habits rouges » fouillent sa maison de la cave au grenier. Ils n’y trouvent aucune arme. Ni son fusil de chasse ni ses précieux pistolets. Pas même le sabre qu’il a porté en 1812, pendant la bataille de la Châteauguay, où il a servi sous les ordres de Salaberry.

 

L’incident n’aura pas de suites pour le Dr Étienne-Paschal Taché, qui, après avoir été l’âme du mouvement révolutionnaire de sa région, vire capot. Élu député au Parlement du Bas-Canada, il devient monarchiste, tirant un trait sur ses aspirations républicaines. Il va jusqu’à réclamer pour le Canada une armée capable de défendre l’Angleterre contre les invasions américaines. « Si jamais ce pays cesse un jour d’être britannique, le dernier coup de canon tiré pour le maintien de la puissance anglaise en Amérique le sera par un bras canadien », lance-t-il.

 

Pendant 45 ans, ce manoir, qui date de 1759, sera son refuge. Les plafonds à caissons, les murs en faux marbre ornés de boiseries imitant les veines du chêne et les planchers peints de couleur sang de bœuf lui confèrent un cachet particulier. Le stéréoscope, le piano-table et le jeu de backgammon restituent l’atmosphère des soirées familiales animées par sa femme, Sophie Baucher, dit Morency, fille d’un capitaine au long cours et 15 fois mère. « Quinze enfants !» se serait exclamé le pape Pie IX en bénissant le premier ministre. « C’est mieux que Jacob, qui n’en a eu que douze !»

 

Avant la mort de Taché, la reine Victoria l’honorera du titre de « sir ». Comme quoi l’ex-rebelle a su faire oublier son passé trouble. Vingt ans plus tard, dans cette même maison, son fils, l’architecte Eugène-Étienne Taché, dressera les plans du parlement de Québec et imposera la devise Je me souviens.

 

À Rivière-du-Loup, le manoir Fraser

Faut-il en croire la légende bien enracinée à Rivière-du-Loup ? Ce serait l’Écossais Malcolm Fraser, le premier du nom en Amérique, qui, grâce à sa maîtrise du français, aurait trompé la vigilance des troupes de Montcalm sur les plaines d’Abraham, et ainsi causé indirectement la chute de Québec, en 1759. Pour le récompenser, le gouverneur Murray lui a octroyé une seigneurie. Comme nombre d’officiers britanniques restés au pays après la Conquête, il a épousé une Canadienne française, Marie Allaire, de Beaumont.

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