Laurier ne quittera jamais Zoé pour Émilie. L'épouse trompée en viendra même à croire qu'une amitié platonique lie son amie à Wilfrid. Jusqu'au jour où la ressemblance entre celui-ci et Armand, le fils d'Émilie, commencera à faire jaser.

 

Une fois élu premier ministre du Canada, sir Wilfrid juge plus sage de mettre fin à sa liaison. Il ne grimpe plus le majestueux escalier pour aller s'enfermer dans son bureau et écrire des lettres enflammées à Émilie : « J'aimerais vous regarder dans les yeux, écouter votre voix, sentir que c'est vous...». À l'étage, sur son vieux secrétaire de chêne, son encrier et sa plume d'oie ont l'air abandonnés. Tout comme sa précieuse bibliothèque, où Bossuet, Molière, Hugo et Abraham Lincoln se disputent la meilleure place.

 

Cette maison de brique rouge, que Laurier conservera jusqu'à la fin de sa vie, demeure un des plus précieux témoins de la vie bourgeoise teintée de libertinage du 19e siècle. Quant au journaliste Armand Lavergne, il dira : « J'ai un bon père, que ce soit Laurier ou Lavergne».

 

Et un 2e

 

À Sainte-Marie de Beauce, le manoir Taschereau.

 

Ah, dormir dans le lit d'un cardinal ! Non pas celui du grand Richelieu, mais celui de Mgr Taschereau, le premier « chapeau rouge » canadien. Myriam Taschereau, descendante de la célèbre famille (qui compte aussi dans ses rangs un premier ministre du Québec et un juge de la Cour suprême du Canada), a redonné vie au manoir, sis au pied de la rivière Chaudière, à Sainte-Marie. Elle a recréé la chambre où est né, en 1820, l'archevêque de Québec Elzéar-Alexandre Taschereau. Vous pouvez passer la nuit dans cette pièce décorée de lourdes draperies et d'un couvre-lit violets au liséré doré.

 

Son Éminence a dû ressentir de la fierté, mais aussi une certaine gêne, en songeant à la vie haute en couleur de son grand-père, Gabriel-Elzéar Taschereau, dont le manoir a été pillé pendant l'invasion américaine de 1775. « Le général Benedict Arnold venait de perdre la moitié de ses hommes au combat lorsqu'il apprit que le seigneur sympathisait avec les Anglais, raconte Myriam Taschereau. Pour se venger, il a vendu les meubles du manoir en échange de médicaments et de vivres. Après, il a tout saccagé ». Le seigneur l'a reconstruit, son manoir. Et il y a logé « Mlle Grant », servante noire qu'on lui avait offerte en cadeau et à qui il a fait un rejeton... De quoi faire sourciller son descendant au chapeau rouge !

 

                                                                                    Louise B. Lafrenière

Source : Micheline Lachance

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