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Sexe et pudeur chez
Dupuis Frères : entre mode et modestie La publicité de Dupuis Frères est ambiguë, tout comme l'attitude des jeunes clientes peut-être... Pour un grand magasin comme Dupuis Frères, la publicité dans les journaux est essentielle pour rejoindre, informer et séduire les acheteurs. Par le fait même, elle nous offre une vision différente des contradictions et des tensions que connaît une communauté, par exemple la dualité mode-modestie dans le vêtement sportif féminin. Une mode choquante À partir des années 1920, la mode féminine connaît des modifications radicales et irréversibles. Les jambes, les bras et la gorge se dénudent et, dès 1929, les vêtements galbent le corps. Parallèlement à ces lignes générales, se répand une mode « sportive » caractérisée par des vêtements encore plus courts, aux tissus légers et moulants, comme le short ou le maillot de bain. Devant ces changements, l'Église catholique s'affole, dénonce et condamne ces modes qu'elle qualifie de « sensualistes », d'« indécentes », bref d'immodestes. Au Québec, on met sur pied, en 1927, la Ligue catholique féminine (LCF) dont l'objectif est de promouvoir la modestie féminine. Le clergé demande aussi aux grands magasins francophones dont les dirigeants sont catholiques de vendre des vêtements décents et de respecter les règles de la modestie dans leur publicité. Compte tenu de ses nombreux liens avec l'Église catholique québécoise, il est surprenant de constater que Dupuis Frères adhère très peu à ce mouvement pour sa publicité du vêtement sportif féminin dans le journal La Presse. En effet, si les premières allusions directes à la modestie débutent en 1935, elles seront par la suite peu nombreuses, sporadiques et prendront fin en 1949. En fait, Dupuis Frères illustre les modes en utilisant des personnages féminins très stéréotypés dont les pratiques vestimentaires et les comportements sont assez peu conformes aux prescriptions du clergé. La garde-robe des sportives Les « élégantes sportives » de Dupuis Frères sont jeunes, souvent blondes, aux traits délicats, sveltes et aux mensurations quasi parfaites. Pour le magasin, ces femmes sont belles, élégantes et d'allure distinguée. De plus, elles sont très actives et semblent libres de disposer de leur temps comme bon leur semble. Durant la saison estivale, elles partent en vacances ou tout simplement en fin de semaine. Pendant cette période, où elles vivent une autre existence, ces jeunes femmes pratiquent des activités sportives. Leur préférence va surtout à la baignade, suivie de très loin par la bicyclette, le tennis, le golf et les excursions en bateau. Pour le vélo, sur le court, le terrain de golf ou pour canoter, elles préfèrent porter des vêtements de sports et de jeux, jeunes et populaires. Cette garde-robe se compose de shorts, de jupes au-dessus des genoux, de blouses ou chandails à manches courtes, de pantalons; tous des vêtements moulants qui soulignent les formes. D'ailleurs, ce que Dupuis propose à ses clientes comme étant des ensembles parfaits pour le sport, est précisément ce qui est contesté ou proscrit par le clergé. À ce sujet, le cardinal Villeneuve écrit, en 1946, dans une lettre pastorale signée par tous les évêques de la province: trop de jeunes filles acceptent facilement les raccourcis indécents, parfois provocateurs [...]. Trop d'entre elles s'exhibent en « short » encore timidement sur la rue mais avec sans-gêne au jeu ! [...] Immodestes de leur nature même, ces vêtements doivent être bannis de nos moeurs, même dans les sports. 21 |
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